martes, 4 de septiembre de 2018

     LES REFORMES DE L'ORTHOGRAPHE DU                                        FRANÇAIS

                         
Source de l'image: https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/r%C3%A9former-le-fran%C3%A7ais-petit-historique-r%C3%A9cent-des-batailles-orthographiques/ar-BBMPDB9?li=BBoJIji

La proposition, venue de Belgique, de modifier les règles de l’accord du participe avec l’auxiliaire «avoir» vient s’ajouter à une longue série de débats sur la langue française. Passage en revue de ces moments houleux les plus récents.

Juin 1997 : un euro, des euros, c’est l’Académie qui l’a dit

Cinq ans avant sa mise en circulation le 1er janvier 2002, l’euro doit passer au crible de la grammaire. Sollicitée par la commission générale de terminologie et de néologie, l’Académie française ravale alors la monnaie unique au rang de vulgaire nom commun. L’euro ne saura donc échapper au «s» qui sanctionne le pluriel dans la langue de Voltaire. Cette remise au point s’imposait : le Conseil des ministres européen avait en effet décidé que les futurs billets et pièces seraient libellés en euro sans «s». Des petits malins en ont hâtivement conclu que l’euro et sa subdivision le cent devenaient de facto invariables. Un libertinage orthographique insupportable aux immortels : ni le traité de Rome ni celui de Maastricht ne prévoient d’unification des langues européennes, les règles nationales continuent de s’appliquer. Prière donc d’accorder euro.

Novembre 2001 : le français du Web pris en faute

Il n’y a pas que l’Académie française qui s’époumone sur l’avenir de l’orthographe : les nouveaux usages de la langue issus des réseaux (mobiles, internet) font déjà en 2001 l’objet de débats chez les utilisateurs eux-mêmes. Et les points de vue sont nombreux : linguistes ardents défenseurs de la langue, puristes farouches («la langue française ne doit pas mourir par le réseau»), adeptes du libertaire à tous crins («au moins les gens se remettent à écrire, foutons-leur la paix»), partisans de l’invention de nouveaux langages. Et ça, c’était avant Twitter et ses hashtags.

Février 2005 : des élèves (déjà) de plus en plus nuls en dictée

«Sauver les lettres», un collectif de professeurs de lycée, réalise en 2005 une évaluation inédite : faire passer à 2 300 élèves de seconde générale ou technologique une dictée assortie de questions de grammaire, puis corriger le tout à partir des barèmes et consignes en vigueur jusqu’en 1999 au brevet des collèges. Ils comparent les résultats avec ceux d’une expérience comparable menée en 2000. Résultat sans appel, selon le collectif : «De 28 % d’élèves en 2000 qui ont eu zéro à la dictée du brevet de 1988, la proportion est passée à 56 % en 2004.» En grammaire, les réponses erronées s’échelonnent de 50 % à 90 %. Les cracks seraient également moins nombreux : 9,27 % de 15/20 ou plus en 2000 ; 6,01 % en 2004. L’un des premiers constats de la baisse du niveau de l’orthographe à l’école d’une longue série. Trois phénomènes sont pointés du doigt : la diminution du nombre d’heures de français, le primat donné par les instructions officielles à la «grammaire du discours» au détriment de la «grammaire de phrase», et surtout les nouveaux programmes de 1995 à l’école primaire et au collège, lesquels imposaient de passer d’un travail analytique (le cours de grammaire n’est pas le cours de vocabulaire, qui n’est pas le cours d’analyse du texte, etc.) à un travail en séquence (on enchaîne tout, à partir du même texte, pendant la même séance), privilégiant «l’observation réfléchie de la langue».

Février 2010 : en finir avec le «x» et le doublement aléatoire de la consonne

«Alors que la grande absente du débat sur l’identité nationale fut sans doute la langue»comme le rappelait dans une tribune Christine Baron, un discret cercle de réflexion fort de 28 membres et auquel contribuent d’éminents linguistes comme Micheline Sommant, auteure des dictées de Pivot et professeure à la Sorbonne, Michèle Lenoble-Pinson (université de Bruxelles) ou Annie Desnoyers (université de Montréal), tente de rationaliser l’orthographe du français. Avec une question qui sert de fil rouge : que faire aujourd’hui (en 2010), alors que les «rectifications orthographiques», inspirées par Nina Catach et votées par l’Académie en 1990, peinent à s’imposer ? Et d’autres d’ordre purement orthographique. Pourquoi écrire «aquarelle» avec un e sans accent et deux l, mais «modèle» avec un e accentué et un seul l ? «Antenne» avec deux n, mais «arène» avec un seul n ? «Toilettage» avec deux t, mais «étage» avec un seul t ? Bref, peut-on en finir avec cet arbitraire ?
Le collectif rationaliste s’est donc attaqué à deux problèmes majeurs dont les solutions ont fait l’objet de deux fascicules (1). Le premier porte sur les mots finissant en «x» et propose de remplacer cette lettre par un «s». De «bateaus» à «chevaus» et «radieus», 2 990 mots rejoindraient alors l’usage général, comme le font «landaus» et «pneus». Le second problème que s’est coltiné le petit cercle, c’est le doublement aléatoire de la consonne dans les féminins et les mots dérivés d’un autre mot. «Partisan» donne «partisane» avec un n, mais «paysan» donne «paysanne» avec deux n.

Septembre 2014 : l’orthographe en France, une souffrance et un marché

Un sondage paru à la rentrée 2014 indique que 96% des Français reconnaissaient maltraiter l’orthographe. Une souffrance pour beaucoup d’entre nous, à en croire les autres indications données par le sondage. Afin d’apaiser les potentielles angoisses provoquées par les «bizarreries» de notre idiome, trois correcteurs du quotidien le Monde très au fait des spécificités du français publiaient un ouvrage décortiquant règles casse-tête et autres complexités du genre. Faute d’évolution souhaitée, l’orthographe est devenue un formidable marché : Opuslingua, Talents & Formations, Correcto France… on ne compte plus les propositions de stages de remise à niveau. L’affaire est à ce point prise au sérieux que même des facs et des grandes écoles offrent des sessions d’orthographe, tandis qu’une pléiade de bouquins se vendent comme des petits pains.

Février 2016 : l’affaire nénufar

Levée de boucliers après que TF1 consacre un reportage à «l’orthographe révisée», qui va faire son apparition dans les manuels scolaires. On apprend que nénuphar s’écrira «nénufar», oignon perdra son i et que l’accent circonflexe sera facultatif. Les tribunes pour s’insurger contre cette réforme se multiplient et les contre-vérités s’accumulent : invitée sur le plateau d’On n’est pas couché, la ministre de l’Éducation de l’époque Najat Vallaud-Belkacem se voit réprimandée à tort par la chroniqueuse Vanessa Burggraf. Or, comme nous l’expliquions alors dans Libération, si plusieurs manuels scolaires prennent en effet en compte l’orthographe révisée depuis la rentrée 2016, il ne s’agit pas à proprement parler d’une réforme de l’orthographe. Cette année-là, le conseil supérieur des programmes a décidé d’appliquer «les rectifications orthographiques proposées par le Conseil supérieur de la langue française» en… 1990.

Novembre 2017 : l’écriture inclusive

L’automne 2017 est l’occasion d’un vif débat. En adoptant pour la première fois l’écriture inclusive dans un manuel scolaire d’histoire pour CE2, l’audacieux éditeur Hatier déchaîne les passions. Souvent réduites au «point médian» accusé d’être «illisible», ces règles grammaticales visant à redonner de la visibilité au féminin provoquent la colère des plus conservateurs. Son objectif est en réalité limpide : «inclure» les deux genres (masculin et féminin) dans la langue française, la rendre plus égalitaire. Depuis l’innovation grammaticale d’Hatier, de nombreuses initiatives ont embrayé, bravant le péril «péril mortel» redouté par l’Académie française : une maison d’édition dans l’Eure, un guide distribué aux habitants d’une ville du Val-de-Marne, la revue Well Well Well. La polémique enfle rapidement, au point que 300 professeurs s’engagent à ne plus enseigner la règle grammaticale «le masculin l’emporte sur le féminin», au profit de l’accord de proximité.

Décembre 2017 : une dictée quotidienne pour régler les problèmes de français

Une enquête internationale tend à montrer que les élèves de CM1 sont moins bons en français qu’auparavant. Une dictée quotidienne pour les enfants du CP au CM2 devrait régler la question, pense le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer. Faux, lui réplique dans un entretien accordé à Libération Catherine Delarue-Breton, professeure de sciences du langage, qui privilégie un changement pédagogique profond à l’ajout de dispositifs qui ne serviraient pas à grand-chose. Qu’importe : la rentrée 2018 sera aussi celle de la dictée, qui deviendra quotidienne à l’école élémentaire dès le CP.